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vendredi 15 juillet. — 1870.

tion depuis la campagne de Sadowa, et que la Prusse n’a cessé de faire tout ce qu’il faut pour la rendre inévitable. Mais enfin si l’on avait voulu de notre côté ajourner encore une fois la rupture, il aurait fallu s’y prendre autrement. La réponse de M. de Grammont à l’interpellation Cochery est fière et a un air de bravoure qui lui a valu un grand succès. Mais elle rendait les négociations à peu près impossibles. Si le ministre n’était pas décidé d’avance à la guerre, il a oublié qu’on ne doit pas traiter les affaires d’État, où le sort des nations est en jeu, comme les affaires d’honneur où l’on ne risque que sa personne. Il a eu le tort de parler en gentilhomme plutôt qu’en diplomate. À leur tour les Chambres françaises ont pris feu, comme de véritables poudrières, et il s’y est formé aussitôt un parti de la guerre qui aurait été dans le cas de chercher querelle à l’empereur s’il n’avait pas consenti à tirer l’épée du fourreau.

Mais qui sait si cette ardeur est aussi spontanée qu’elle le semble, et si elle n’est pas l’effet d’un mot d’ordre venu d’en haut ? Peut-être la volonté souveraine de qui dépendent nos destinées, résolue cette fois à la guerre, a-t-elle provoqué ce mouvement, précisément pour mettre sa responsabilité à couvert sous une manifestation de noble susceptibilité patriotique. La supposition n’a rien d’invraisemblable, et je crois l’empereur bien capable de faire faire aux Français ce qu’il veut sans qu’ils s’en doutent. Par contre, je crois aussi M. de Bis-