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lundi 29 août. — 1870.

nécessaire de montrer quelle atteinte a subie le jugement d’un bon nombre de nos concitoyens dans la crise terrible que nous traversons. J’aurais pu supprimer ces détails pour épargner à quelques amours-propres le désagrément de ces souvenirs. Mais, outre que la vérité historique en souffrirait, il pourra être utile plutard de retrouver, dans un tableau fidèle la description de la maladie dont nous sommes en ce moment atteints, afin de nous mettre en garde, et de n’y plus retomber, si nous nous retrouvions jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, en pareille aventure. Le meilleur moyen de faire comprendre aux gens quel est le prix de la raison et du bon sens, c’est de leur faire sentir jusqu’à quel point ils en ont manqué.

À midi, je donne à déjeuner à mes collègues E. Benoist et Ghébart. Après quoi, nous allons tous trois promener à Vandœuvre pour faire visite à notre ancien collègue Em. Burnouf dans sa campagne de Sainte-Camille. Burnouf, est aujourd’hui directeur de l’École française d’Athènes. Il arrivait de Grèce pour passer ses vacances en France lorsqu’il a été enveloppé, avec nous tous, par l’invasion. Il a eu sa bonne part des logements militaires, et, au moment du passage de l’armée bavaroise, il lui est venu quatre-vingts soldats avec leurs officiers. Ils en ont usé tout à leur aise dans sa propriété. Ils ont mangé tous les fruits de son verger, ce qui les a jetés dans un trouble intestinal dont les traces se