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samedi 27, dimanche 28 août. — 1870.

Châlons pour ne pas être débordé par les forces de l’ennemi dans les plaines ouvertes de la Champagne. Mais de quel côté s’est-il dirigé ? Les uns prétendent qu’il a rétrogradé sur Château-Thierry, la Ferté-sous-Jouarre, afin de prendre position sur la terrasse de la Brie, tandis que Guillaume marche en avant pour le rejoindre et se trouve déjà à Épernay. D’autres le font remonter vers la Haute-Marne et allèguent pour preuve une grande victoire remportée par lui entre Joinville et Chaumont, qui aurait-elle même besoin d’être prouvée, ou plutôt qui n’a pas besoin de l’être, comme tous les autres canards de même famille, pour ravir d’aise cette nombreuse partie du public qui aime à être trompée et qui croit toujours, sur parole, ce qu’elle désire.

28 août. — La victoire d’hier prend de la consistance. Tout le monde m’en parle ce matin. On allègue une dépêche officielle, venue d’Épinal, et qui annonce un succès définitif, après lequel il n’y aurait plus qu’à traiter. Je fais cent tours pour trouver le texte de cette dépêche ; mais vainement : tout le monde en parle et personne ne l’a vue ou ne peut vous la montrer. De guerre lasse, je me réfugie le soir, pour fuir le froid et l’humidité, dans la librairie Nicolas Grosjean où je mets enfin la main sur cette dépêche aussi difficile à trouver qu’à croire. Elle est conçue en ces termes :

« Dépêche officielle, 26 août. — Grande bataille entre Bar-sur-Aube et Chaumont. Victoire complète. 80 000 tués, 20 000 prisonniers, artillerie bavaroise détruite.Signé : Mac-Mahon. »