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mardi 23 août. — 1870.

de rassurer sa mère et de lui apprendre qu’on le transférait à Mayence. Ces rencontres de compatriotes se reproduisent fréquemment dans cette ville qui compte, parmi ses enfants, tant d’officiers et de soldats sous les drapeaux. Elles donnent lieu à des incidents touchants et douloureux. Aussi le passage des trains de blessés est-il un moment d’émotion où la foule se contient et prend l’attitude grave et calme qu’elle devrait toujours garder.

En redescendant en ville, un de mes amis se précipite vers moi tout haletant de bonheur et me présente sans rien dire un papier qui doit me faire partager son ivresse. C’est une de ces dépêches absurdes, comme il en circule sans cesse, qui obtiennent un jour un succès d’enthousiasme, et qui sont remplacées le lendemain par d’autres, que l’on adopte et que l’on abandonne avec la même facilité. Celle-ci nous annonce une série de victoires, et se termine par la nouvelle que Bazaine a écrasé les Prussiens à Metz et qu’il leur a pris cent canons. Évidemment c’est une mystification, et il faut qu’il y ait une fabrique montée par des farceurs qui se font un jeu coupable de s’amuser de la crédulité publique et qui mériteraient d’être l’objet d’une sévère répression. Que de gens et des plus graves ont cru à la destruction des Prussiens à Metz et à la capture des cent canons par Bazaine ! Il y avait bien quelques incrédules, mais on les traitait d’alarmistes