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mardi 23 août. — 1870.

déjà repoussé avantageusement plusieurs attaques, fait espérer que cette interruption n’est pas près de finir. Il en résulte pour Nancy une aggravation de réquisitions et de logements, mais Nancy est fier et joyeux de cette résistance à laquelle participe un bon nombre de ses enfants, et qui est le gage qu’elle donne de son courage et de son patriotisme. Il est bon que la France, qui se moque de notre malheureuse cité, sache qu’elle fait pour le salut commun plus qu’on n’a fait pour sa défense.

Depuis que le chemin de fer s’est remis à marcher, on va s’y promener par distraction. Nous y sommes allés aujourd’hui, mon collègue Eugène Benoist et moi, comme tout le monde. Il y avait foule le long des parapets et sur les passerelles qui dominent ou traversent la voie placée en contrebas. Les femmes étaient en majorité, et les gamins pullulaient, bruyants, provoquants, et donnant du fil à retordre aux factionnaires prussiens, comme s’ils n’eussent été que des gendarmes français. Ce qui fait le principal intérêt de ce spectacle, c’est le passage des prisonniers que l’on dirige sur l’Allemagne. Parmi eux, il y a des blessés dont les plus malades sont laissés dans les ambulances de la ville ; les autres restent dans le train et continuent leur route. Parmi les derniers on a reconnu le jeune de Bizemont, sous-lieutenant d’infanterie, qui a pu échanger quelques mots avec un ami et le charger