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mardi 23 août. — 1870.

s’ajoute l’agrément des lieux qu’il faut parcourir pour les visiter. C’est par des chemins bordés de haies et ombragés de grands peupliers que j’ai à me rendre à leurs demeures, cachées dans des massifs d’arbres, ou situées au bord des eaux, ou bien dispersées dans une prairie verdoyante que sillonnent des ruisseaux qui vous forcent à des détours d’où résulte une variété de points de vue et d’aspects pleins de surprise et de charme. Ainsi se trouvent réunis pour moi, dans cette tournée charitable, tous les éléments d’une promenade délicieuse, et ma visite de pauvres est peut-être le dernier moment de joie qui me reste en ces jours de tribulation et de douleur.

Depuis plusieurs jours, le chemin de fer a repris toute son activité. Mais ce sont les Prussiens qui l’exploitent, en s’en réservant exclusivement l’usage. Ils s’en servent pour faire venir d’Allemagne de continuels renforts et d’immenses approvisionnements. Les trains marchent jusqu’à Frouard : au-delà la circulation est arrêtée par le canon de Toul, qui a foudroyé le premier convoi qui a osé s’aventurer sous son feu. Les Prussiens sont donc obligés de s’abstenir de toute la partie du parcours qui est commandée par la place, et c’est à pied et par charrois qu’ils continuent leur route, pour reprendre plus bas la voie ferrée. La belle résistance de Toul, dont le siége a commencé il y a huit jours et qui a