Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
dimanche 21, lundi 22 août. — 1870.

C’est aujourd’hui, 22 août 1870, que les journaux de Nancy, qui végètent depuis quinze jours, ont achevé de rendre le dernier soupir. Leur agonie a eu deux phases : d’abord celle de l’inanition où, privés de renseignements du dehors, ils n’avaient plus que les nouvelles locales qui ne suffisaient pas à les alimenter. Ensuite celle de la surveillance et de la censure et c’est à celle-là qu’ils n’ont pu résister. Depuis plusieurs jours, ils sentaient que l’autorité prussienne rôdait autour d’eux et ne cherchait qu’une occasion de les mettre sous sa main. Ils l’ont fournie d’eux-mêmes en publiant les dépêches rapportant les heureux combats livrés par Bazaine à Doncourt, Vionville, Gorze, Rezonville et Gravelotte, ce qui entretient dans notre population une allégresse qui déplaît aux Prussiens. De là l’ordre signifié ce matin même à tous nos journaux de présenter chacun de leurs exemplaires au général commandant le corps d’armée d’occupation, à l’hôtel de Paris, avant d’en faire la distribution. Peut-être quelques-uns de nos journalistes auraient-ils consenti à faire l’essai de ce régime de censure, ce qui ne les aurait pas menés bien loin, et ce qui eût provoqué des discussions et des conflits dont la ville aurait eu à supporter les suites fâcheuses. Mais une communication signée du maire et de plusieurs conseillers les a invités à s’abstenir de toute publication de nature à susciter des discussions compromettantes, et les journalistes, comprenant ce qu’on attendait d’eux, ont résolu de ne