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dimanche 21, lundi 22 août. — 1870.

croit, et il ne ferait pas bon d’essayer de la détromper.

Dans l’après-midi, visite à M. l’abbé Jambois, vicaire général, qui me renseigne sur le séjour du prince de Hohenzollern, à l’évêché. Cette branche des Hohenzollern est catholique. Le prince avait demandé lui-même l’évêché pour résidence. C’est un jeune homme de vingt-trois ans, d’une grande taille, et d’une physionomie agréable. Sa toilette réparée, il s’est fait présenter à l’évêque et l’a salué respectueusement en lui disant combien il gémissait d’avoir été l’occasion bien involontaire de cette guerre, qu’il a déjà refusé deux fois la couronne d’Espagne dont il ne veut à aucun prix et qu’il désire plus que personne la fin de cette terrible lutte qui coûte si cher à deux grandes nations. — Fort bien : mais qui nous garantit la sincérité de ce langage ? Si tous ces princes allemands ont tant de répugnance pour la guerre, pourquoi se sont-ils montrés si dociles à l’appel de la Prusse, et s’y sont-ils engagés avec tant d’empressement ? Ou bien ces belles protestations ne sont que de vaines politesses auxquelles nous ne devons pas nous laisser prendre, ou bien, si elles sont sincères, elles prouvent combien ils sont déjà sous le joug, et on se demande ce que la Prusse fera d’eux si, avec leur concours, elle parvient à consommer notre défaite.