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dimanche 21, lundi 22 août. — 1870.

son honneur aux sarcasmes de la presse et à la risée de la foule, c’est là ce qui soulève ici l’indignation la plus légitime, et la plus vive irritation. Certes on n’en est pas précisément à souhaiter malheur à tous ces jolis plaisantins, mais on dit que le temps n’est pas loin peut-être où les Prussiens leur ôteront l’envie de rire, et où leur propre infortune leur fera expier les sottises que la nôtre leur fait débiter.

Sur la place publique on en est toujours au régime des on dit et, faute de mieux, on se repaît avec avidité de cette viande creuse. On dit qu’il se livre des combats acharnés vers Sion et Vaudémont et que c’est le général Douai qui occupe de ce côté les Prussiens. On dit que les Français viennent vers nous par Nomeny et que, pour les arrêter, l’ennemi fait miner les hauteurs de Saint-Max. On dit qu’on a entamé des négociations sérieuses pour le rétablissement de la paix et qu’avant peu un congrès se réunira à Nancy, sous la médiation des puissances étrangères. On dit que les armées ennemies n’en peuvent plus et que les fièvres, la dyssenterie, les fatigues ne tarderont pas à nous en délivrer. Enfin, comme couronnement, on dit que Bazaine a remporté une grande victoire sur les Prussiens et l’on en donne pour preuve une dépêche envoyée de Verdun à M. un tel, qui, rencontré par nous sur la place, nous déclare qu’il n’a rien reçu et qu’il ne sait pas de quoi l’on veut parler. Mais la foule le