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samedi 20 août. — 1870.

traces. Quant à mes chevaux, mes voitures, ils s’en sont entièrement emparés, et je suis obligé de venir à pied, tandis qu’ils se prélassent dans mes équipages. Personne n’est mis à pareille épreuve, et je n’ai pas de chance d’être si mal tombé. Je ne me console que par l’idée que ça ne durera pas longtemps. » — En effet c’était l’exception, mais l’exception peut arriver à tout le monde, et la crainte d’avoir mon tour me fait largement compatir aux plaintes si fondées de M. Gouy.

Cependant l’hôtel de France est redevenu vide et calme. Le drapeau prussien ne flotte plus au-dessus de sa grand’porte. Le prince royal est allé à Pont-à-Mousson pour se concerter avec le roi Guillaume sur la direction de la guerre. Interrogée par moi, au sujet de son hôte, Madame Petit, qui tient l’hôtel, se montre très-réservée dans ses réponses. Le bruit court en ville qu’on lui a intimé, à elle et aux siens, l’ordre de ne rien dire. Toutefois elle me dit que le Prince a été très-convenable, qu’il affecte de déplorer la guerre actuelle, qu’il en rejette tout le tort sur notre gouvernement, qu’il est las d’être toujours en campagne, que c’est la troisième fois qu’il est obligé de quitter sa femme et ses enfants pour commander des armées, et qu’il serait heureux que cela finisse. — Ce langage n’est pas sérieux. Tous les batailleurs s’amusent à faire l’éloge de la paix. Mais il ne faut pas s’y laisser prendre.