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samedi 20 août. — 1870.

Il y a le pour et le contre dans la conduite des Prussiens à notre égard et quelquefois l’un et l’autre se confondent et se contrebalancent dans un même incident. Hier, un de leurs chefs, je ne sais lequel, logé dans le Palais ducal, qui a servi successivement de résidence à tous nos maréchaux, Canrobert, Pelissier, Mac-Mahon, Forest, Bazaine, tenté par la beauté du lustre qui en décore le grand salon, fit venir par réquisition une grande caisse ferrée et manda, également par réquisition, un emballeur, qui démonta le lustre et le plaça dans la caisse. Aussitôt M. Welche, averti, courut chez le général Blumenthal, qui, apprenant cette énormité, fit un haut-le-corps d’indignation, et s’empressa d’expédier au commandant de place l’ordre de faire remettre en son lieu l’objet convoité. Ce qui fut exécuté au plus vite.

Pareille contradiction se retrouve dans leur tenue chez les habitants qui les logent. M. Gouy en a rencontré d’insupportables et il me le raconte avec un accent d’indignation bien motivé. — « J’héberge à Renémont, ma propriété de Jarville, un colonel prussien, avec ses officiers et une suite nombreuse de soldats. Ils ont tout mangé, tout dévasté, tout souillé. Les officiers exigent des dîners copieux, et ils les arrosent de mes meilleurs vins. Il leur faut du champagne à chaque repas. Les soldats ont dévalisé mon verger. Ils s’amusent à taillader à coups de sabre les fruits qu’ils ne mangent pas. Ils ont tous la dyssenterie, et ils en répandent partout les