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visiblement le malade, et lui causer une agitation extraordinaire. Comment vous a-t-on permis de vous baigner seul dans cette rivière, où vous auriez pu vous noyer ?


— Je n’ai pas cru mal faire, Madame, reprit-il en fixant sur elle de grands yeux inquiets et attendris. Je n’ai pas de père ! murmura-t-il, en pleurant à sanglots. J’ai commis sans doute une grande imprudence, et voici seulement que je me souviens de ce qui s’est passé ! J’étais venu pêcher aux écrevisses, et ma pêche terminée, j’ai trouvé le lieu si engageant, l’air si tiède, l’eau si limpide, que l’idée m’est venue de me baigner, sans trop m’écarter du bord, et j’avais presque réussi à me soutenir sur l’eau, en nageant comme j’avais vu nager ; mais soudain j’ai perdu pied, j’avalais de l’eau à pleines gorgées et j’enfonçais dans la rivière. J’ai crié à l’aide, j’invoquais mon saint patron, en me débattant au milieu de l’eau qui bourdonnait dans mes oreilles ; je n’avais plus la force de crier, je perdais haleine, je voyais tout noir, et je ne sais plus rien de ce qui est advenu. N’est-ce pas vous, Madame, qui m’avez secouru dans ce terrible moment où j’allais mourir ? N’est-ce pas vous qui m’avez sauvé ?



J’étais venu pêcher aux écrevisses.


— Ce n’est pas moi, mon enfant, dit-elle en cherchant à le calmer. Rendez grâce à Dieu qui vous est venu en aide ; ne vous agitez pas comme vous faites, et tâchez de reposer, sous les auspices de votre ange gardien qui vous a sauvé !


L’enfant était en proie à un violent accès de fièvre, qui le fit tomber dans le délire : il prononçait des paroles sans suite et jetait des cris étouffés ; il voulait s’élancer