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qualités d’esprit bien différentes. André Fadounet, qui inclinait vers les opinions de la Réforme, avant d’avoir ouvertement embrassé la religion protestante, ne composait que des vers religieux et moraux, des psaumes et des poèmes évangéliques ; sa femme, au contraire, qui était bonne catholique et qui tenait à la foi de ses pères, avait cherché ses modèles chez les poètes grecs et latins, qu’elle lisait couramment dans leur langue originale. La naissance d’une fille ne rapprocha pas les époux, qui vivaient d’autant plus séparés que le mari quittait souvent sa femme pour faire des voyages secrets à Genève, dans l’intérêt de sa foi nouvelle. C’était le temps où les parlements de France poursuivaient criminellement les huguenots, c’est-à-dire les hérétiques, luthériens ou calvinistes. André Fadounet avait été signalé et menacé de poursuites judiciaires. Il se tint prudemment à l’écart. Mais quand sa femme lui eut donné un fils, qui vint au monde en 1560, et qui fut baptisé sous ses yeux dans la chapelle du château des Roches, André Fadounet obéit à une inspiration malfaisante, en ne craignant pas de reparaître en Bourgogne, où il pouvait être arrêté comme huguenot : il avait bravé ce danger, pour enlever le nouveau-né, sous prétexte que la mère était incapable de le nourrir elle-même et que le salut de l’enfant exigeait qu’il fût confié à une nourrice. La dame des Roches n’avait pas eu de nouvelles de son fils depuis plusieurs mois, lorsque le père lui écrivit qu’ayant résolu d’abandonner pour toujours sa patrie où allait éclater une guerre de religion, il se faisait un devoir de lui rendre leur enfant qu’il avait mis en nourrice, et qui, devenu fort