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répondant avec une voix qui semblait s’éloigner toujours et qui a fini par s’éteindre tout à fait. Comme il était beau ! Comme il avait grand air, avec sa tête de chérubin blond, ses yeux pleins de douceur et de tendresse, sa bouche rubiconde entr’ouverte par un sourire, qui laissait briller ses belles dents de nacre !…


— Chère maman, interrompit la jeune fille, je vous conjure de ne pas vous exalter et vous émouvoir ainsi, pour un rêve, qui n’est et ne peut être qu’un rêve ! Vous savez bien que mon frère n’avait pas plus d’un an, lorsqu’il a péri dans une inondation de la Saône, et vous ne l’aviez revu depuis le jour de sa naissance, puisque mon père l’emporta, malgré vos prières, pour le mettre en nourrice…


— Cela est vrai, répliqua madame Neveu, qui fondait en larmes ; je n’avais fait que l’entrevoir quelques instants, quand il fut venu au monde, et aussitôt on me l’a enlevé cruellement, hélas ! Puis, un an après, quand j’accourais, toute impatiente, toute joyeuse de le revoir, j’appris avec désespoir qu’il n’existait plus…


— Et que mon pauvre malheureux père, ajouta Catherine, était mort avec lui ! Ma mère, vous êtes injuste, bien injuste, pour mon père, que nous avons eu le malheur de perdre, en cette fatale nuit où mon frère a péri au berceau. Je n’avais pas cinq ans d’âge et je me rappelle encore à présent cet horrible moment, qui vous a rendue veuve et qui m’a rendue orpheline. Je ne vous ai pas quittée de toute la nuit, quand vous alliez gémissant au bord de la Saône et appelant le père et l’enfant, sans que personne vous répondît. Je me cramponnais à vos vêtements,