Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
une bonne action de rabelais

la récolte des navets avait été faite et très soigneusement faite par le sorcier…

— C’était moi, vous dis-je ! interrompit Rabelais, en recommençant à rire. C’était moi, le sorcier, moi, moi, moi !

— Qui donc avait arraché les navets ? repartit le juif, qui refusait de croire à l’assertion de Rabelais. Qui donc les avait mis en tas avec tant de savoir-faire ? Qui donc avait caché parmi les navets l’escarcelle pleine d’or ?

— C’était moi ! répliqua Rabelais. Vous aviez semé, bonnes gens, et j’ai fait pour vous la moisson, à telle enseigne que je suis encore fatigué et plus fatigué qu’un sorcier ne pourrait l’être. Croyez en Dieu, mes enfants, ajouta-t-il, et ne croyez pas aux sorciers !

Il s’était levé pour prendre congé de la famille, qu’il venait de sauver d’une mort certaine et qu’il promettait de ne pas abandonner. Il fut suivi par le père et les enfants, qui le comblaient de bénédictions, auxquelles la femme paralytique unissait mentalement les siennes. Rabelais les quitta, en s’engageant à revenir les voir le lendemain et en leur conseillant de se défier maintenant des voleurs plutôt que des sorciers, puisqu’il leur laissait un petit pécule pour subvenir à leurs premières nécessités. Il monta sur l’ânesse du presbytère et se fit conduire, par son sacristain, au château de Meudon.

— Madame, dit-il en arrivant, à la duchesse de Guise, je vous apporte une bonne action à faire pour gagner des bénédictions en ce monde et des indulgences dans l’autre, où je souhaite que vous alliez le plus tard possible.

Madame, je vous apporte une bonne action à faire.

— Que faut-il faire pour cela ? répondit la duchesse. Je