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une bonne action de rabelais

mère, que c’est le curé de Meudon qui s’en vient les voir et leur porter des consolations.

— Mon bon seigneur, répondit la jeune fille avec déférence et simplicité, votre Éminence daignera excuser mon père et ma mère, s’ils ne s’empressent d’aller au devant d’un si vénérable personnage que vous êtes. Ils ne sauraient bouger de leur lit, tant ils sont malades et rendus de fatigue l’un et l’autre : mon père a travaillé aux champs, cette nuit et ce matin ; ma mère est quasi toute paralysée et percluse de tous ses membres, depuis le dernier hiver.

— Je ne suis pas une Éminence, mon enfant, reprit Rabelais, je suis votre frère en Jésus-Christ, qui veut vous consoler ; je suis votre médecin, qui veut vous guérir.


— Sara ! dit le frère à sa sœur, avec un élan de reconnaissance : monsieur le curé est si bon, si bienfaisant, si généreux, que c’est comme un ange du Seigneur, qui vient nous visiter dans notre affliction.

Sara et Thadée annoncèrent, par un geste respectueux, que le curé n’avait qu’à les suivre, et ils entrèrent les premiers, en disant : « Notre père, notre mère ! Voici l’envoyé du Seigneur ! Que le saint nom du Seigneur soit béni ! »

Rabelais, en pénétrant derrière eux dans la cabane, où régnait une demi-obscurité, entendit deux profonds soupirs mêlés de sanglots, qui partaient de l’endroit le plus sombre de cette misérable demeure et qui le dirigèrent vers les deux malades couchés côte à côte sur des feuilles sèches recouvertes d’une vieille serpillière, grosse toile d’emballage qui leur tenait lieu de draps, et enveloppés d’une horrible couverture de laine, usée, déchirée, et aussi