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une bonne action de rabelais

voulu rester à genoux devant lui, et il l’attirait avec bonté dans ses bras, sans avoir repris la bourse que cet enfant était venu lui rapporter dans une intention de probité délicate, qu’on devinait de prime abord.

— Monseigneur le curé, lui dit l’enfant les larmes aux yeux, ce matin, mon père a trouvé dans son champ cette escarcelle qui vous appartient, puisque votre nom est gravé dessus, et il m’a envoyé au plus tôt vous la remettre, pensant bien que quelqu’un vous l’avait volée.

— Non, mon cher enfant, répondit Rabelais avec émotion, cette escarcelle je vous la donne de bon cœur, avec le peu d’argent qu’elle renferme, en regrettant qu’elle n’en contienne pas davantage.

— Mon père m’a ordonné, continua l’enfant, de vous déclarer, sur sa foi, qu’il ne l’a pas ouverte et qu’il ignore ce qu’elle peut contenir. Il s’excuse très humblement de ne vous l’avoir rapportée lui-même, mais mon bien-aimé père est bien malade.

— Nous irons le visiter tout à l’heure, répliqua Rabelais qui admirait la probité de ces pauvres gens ; oui, mon fils, nous irons ensemble, et avec l’aide de Dieu, j’ai bel espoir que nous le guérirons.

Rabelais avait repris enfin l’escarcelle, qui portait cette inscription en or, gravée sur le cuir noir dont elle était faite : À messire François Rabelais, trésorier des pauvres de Jésus-Christ ; il l’ouvrit, pour savoir ce qu’il y avait dedans et il en tira vingt écus d’or, qu’il étala, tout neufs et tout brillants, sur le bord de la table. L’enfant fixait sur cet or des yeux émerveillés, comme s’il n’en eût jamais vu. Le bon curé réfléchit un instant, puis il étendit