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une bonne action de rabelais

dans les bois, et j’ai fait belle chasse, je t’assure.

— Ah ! monsieur le curé, reprit Guillot en soupirant, comment vous amusez-vous à ramasser toutes ces mauvaises herbes et toutes ces vilaines bêtes, dont vous remplissez notre saint presbytère ? Il y a là, Dieu me pardonne, une chouette ou un hibou…

— Non, c’est une chauve-souris, interrompit d’un air placide le curé naturaliste : ce n’est pas moi qui l’ai tuée, car je ne me résigne pas volontiers à faire mourir des êtres qui ont vie. Cette pauvre chauve-souris est morte des blessures que lui avait faites un méchant oiseau de proie. J’ai là des grenouilles et des crapauds, qui doivent être encore vivants ; j’ai aussi quantité de beaux insectes, que je compte fort conserver en leur donnant de quoi se nourrir, mais je crains bien que mes vers luisants soient éteints pour toujours. Ce sont comme de petites lanternes que la nature allume le soir dans les bois, je ne sais par quel mystère ni pour quel usage. Tout a sa raison d’être, tout a son objet et son but, dans les choses de la nature.

Le sacristain Guillot n’était plus là pour écouter les réflexions savantes et philosophiques de son curé ; on avait frappé à la porte du presbytère, et il était allé ouvrir. Il revint, quelques instants après, annoncer au curé, qu’un enfant en guenilles, qui ne pouvait être qu’un mendiant, demandait instamment à le voir, et attendait, à la porte, la tête et les pieds nus, que M. le recteur daignât lui accorder quelques minutes d’audience.

— Un enfant ! dit Rabelais, de bonne humeur : selon les