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une bonne action de rabelais

rencontré que des méchants, excepté vous, depuis que nous sommes à demeure dans la seigneurie de Meudon.

— Ah ! vous faites partie de ma paroisse ? lui demanda Rabelais, qui ne put se défendre d’un mouvement de curiosité. Je ne crois pourtant pas vous avoir encore vue à l’église ?

La jeune fille ne répondit rien et baissa les yeux. Elle paraissait vouloir se dérober à cet entretien ; elle avait ramassé un panier couvert d’un linge, qui était à terre, et elle se préparait à s’éloigner, lorsque Rabelais l’arrêta encore par le bras.

— Ma chère fille, lui dit-il d’une voix insinuante et persuasive, ayez foi en ma promesse : j’entends vous protéger contre quiconque oserait vous faire tort, et je ne veux pas que dans ma paroisse vous ayez à vous plaindre de qui que ce soit. Je vous prie de me dire tout franc quel est le préjudice qu’on a pu vous causer en ce pays de Meudon.

— Ils veulent que nous mourions de faim ! s’écria l’enfant, avec un redoublement de sanglots. C’est la première fois sans doute qu’on me refuse de cuire notre pain au four banal… Ils m’ont chassée, en disant qu’ils me brûleraient comme une juive maudite, si je m’obstinais à présenter à la cuisson mon pain avec le leur.

— Vous êtes donc juive, ma pauvre enfant ? lui demanda Rabelais avec bienveillance. Peu importe ! ajouta-t-il en voyant que l’enfant restait muette et se refusait à répondre à cette question. Vous êtes malheureuse, et à ce titre, la Providence vous a placée sous ma tutelle et ma protection. Venez avec moi au village.