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qu’il regardait comme un être imaginaire créé par la peur des pâtres et des bergers. Les vaches ne pouvaient être que dans les bois, puisqu’il ne les avait point aperçues dans la prairie, et ce fut dans les bois qu’il se mit à les chercher çà et là, en cornant de toutes ses forces. Enfin, il entendit ou crut entendre loin, bien loin, quelques beuglements qui se turent presqu’aussitôt. Il corna de nouveau et de plus belle, sans obtenir aucun résultat ; il se dirigeait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, cornant, appelant, criant. Cette fois, ce n’était pas une illusion : une vache avait beuglé, et ce beuglement fut suivi de plusieurs autres. Les vaches devaient se trouver à une portée de fusil, et Valentin resta convaincu que quelqu’un les emmenait en grande hâte, puisque les beuglements s’éloignaient de minute en minute. Il cessa d’appeler et de corner, afin de mieux suivre le voleur qui lui avait enlevé ses bêtes. Il espérait ainsi le rejoindre là où bêtes et voleur viendraient à stationner jusqu’à la nuit.


Son plan de poursuite réussit complètement ; il parvint à franchir la distance qui le séparait du voleur de vaches, sans que celui-ci dût supposer qu’on pouvait l’atteindre. Il ne voyait pas encore ses bêtes, mais il les entendait souffler entres les branchages qu’elles brisaient en passant. Puis, il jugea tout à coup qu’elles s’étaient arrêtées et que le voleur, fatigué à une longue fuite à travers bois, reprenait haleine. Valentin n’avait pas d’arme, ni aucun moyen de défense : il ne devait donc pas songer à user de vive force pour revendiquer son bien et pour ramener ses vaches à l’étable. Il résolut de se borner à surveiller le voleur et à le suivre pas à pas.