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yeux, fut-elle toujours mauvaise, étrange et illisible.


— Mon frère, lui dit un matin l’ermite qui lui avait donné des leçons de latin, nous avons été avertis, hier soir, qu’un juif allemand vole tout le bétail du pays et va le vendre aux marchés d’Alsace : je vous prie de veiller avec soin sur nos pauvres vaches.


— J’espère, répondit Valentin, que ce voleur ne commet pas ses larcins à main armée, car, dans ce cas-là, le plus sage serait de ne pas faire sortir les bêtes et de les garder quelques jours à l’étable.


— Non, reprit l’ermite, cet homme a, dit-on, un secret pour endormir le gardien, et c’est à la faveur du sommeil de celui-ci qu’il peut emmener les bêtes et quelquefois tout un troupeau.


— Mon père, dit en riant Valentin, s’il ne faut que résister au sommeil, pour n’avoir rien à craindre du voleur de bestiaux, je saurai bien lui tenir tête, et au moindre danger, je cornerai si fort, avec mon cornet, qu’on m’entendra de l’ermitage et que vous me viendrez en aide avec des bâtons et des chiens.


Valentin sortit donc, ce jour-là, comme à l’ordinaire, avec les quatre vaches des ermites et s’en alla dans la prairie sur la lisière de la grande forêt, où le duc de Lorraine Léopold venait souvent chasser avec les princes et les seigneurs de la cour.


Il faisait une chaleur extraordinaire : les rayons du soleil tombaient d’aplomb sur la terre desséchée, et les herbes semblaient prêtes à s’enflammer. Les vaches que Valentin menait paître s’étaient rapprochées de la forêt, pour trouver un peu d’ombre. On voyait passer, dans les