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se confiant à la marche sûre et à la direction routinière de son cheval. Valentin continua ses lectures, sans interruption et sans distraction, tant qu’elles furent favorisées par le jour, qui allait diminuant et qui finit par s’éteindre tout à fait. Il repassa d’abord dans son esprit ce qu’il avait lu, et il occupa sa mémoire des sujets divers qu’il avait abordés tour à tour dans cette première excursion à travers les livres ; puis, ses idées devinrent moins nettes et moins suivies : de la réflexion il passa dans la rêverie et tomba par degrés dans le sommeil.


Ce fut le père Lalure qui s’éveilla le premier en sursaut, au bruit d’un grognement effaré de son cheval, qui secoua rudement la voiture par une triple ruade et commença une course folle, comme s’il s’emportait à l’aventure. Le colporteur n’eut que le temps de serrer les rênes et de maintenir le cheval sur la chaussée, au moment où il se jetait hors de la route, au risque de se précipiter dans un ravin. Il faisait pleine nuit et l’on pouvait à peine distinguer les objets environnants. Le cheval, qu’il aurait été impossible d’arrêter sur place, ralentit un peu son galop, toujours grognant et hennissant, sous l’empire d’une peur ou d’un vertige.


L’enfant s’était éveillé aussi, et ses regards se portaient de tous côtés avec inquiétude, pour chercher la cause de l’effarement subit du cheval, si paisible et si indolent d’ordinaire. Le père Lalure regardait, comme lui, en dehors de la carriole, qui avait failli verser et qui oscillait à droite et à gauche, selon les mouvements désordonnés que lui imprimait la course effrénée du cheval. Il y avait danger certain d’un accident inappréciable, et ce danger pouvait