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de Sainte-Anne. Je ne réclame de vous qu’une seule faveur, c’est que vous me permettiez de lire dans vos livres, pendant la route, et quand vous n’aurez pas besoin de mes services.


— Je suis fâché de n’avoir pas réussi à faire de toi un bon marchand de livres, dit le colporteur : on s’enrichit plutôt en vendant des livres, qu’en les lisant. Eh bien ! tu peux lire maintenant à ton aise tout ce qu’il y a dans ma voiture. Aie l’œil seulement sur le cheval, qui a l’habitude du chemin et qui va son petit train, la bride sur le cou. Bien du plaisir, Monsieur le liseur ! Moi, je dors !


Il s’endormait déjà, en parlant, et il ne tarda pas à dormir d’un profond sommeil. Valentin, au contraire, n’avait jamais été mieux éveillé ; pour la première fois de sa vie, il se trouvait au milieu des livres et il ouvrit tous ceux qui étaient à sa portée, comme pour faire connaissance avec eux : il en lisait les titres et il en parcourait quelques pages. Le hasard lui mit d’abord entre les mains des ouvrages traitant de matières qui ne lui étaient pas tout à fait étrangères, et qui se rapportaient à ses longs entretiens avec le vieux berger de Monglas. C’étaient surtout ces petits livres que l’imprimerie de Troyes répandait par milliers chez le peuple des campagnes : le célèbre Calendrier des Bergers, la Grande pronostication des laboureurs, la Chasse du loup, le Parfait Bouvier, etc. Valentin se délectait à feuilleter ces volumes, et sa passion pour la lecture se manifestait spontanément par l’amour des livres. Il eût voulu déjà connaître tout ce qu’il y avait de livres imprimés dans la carriole du colporteur.


Celui-ci dormait toujours, comme il en avait l’habitude, en