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avec le curé de Monglas profiteraient mieux à son instruction générale, que son association avec cet homme bon et généreux, sans doute, mais ignorant, dépourvu d’éducation, et incapable de s’élever au dessus de sa naissance par l’intelligence et le savoir.


— Ce n’est pas tout, mon garçon ! ajouta le père Lalure, pour achever de le séduire et de le décider ; je n’ai ni femme, ni enfant, ni famille, et par conséquent, dans le cas où je viendrais à m’en aller dans l’autre monde, tu hériterais de tout ce que j’ai, de ma voiture, de mon cheval, de mes marchandises et de ma réserve, qui monte bien à neuf ou dix mille livres…


— Vous avez neuf ou dix mille livres en réserve ! s’écria Valentin, émerveillé de ce qu’il prenait pour une bibliothèque.


— Dix mille livres, ce sont des francs ! reprit le colporteur, qui n’avait garde de confondre une livre monnaie avec un livre imprimé ; oui, je possède au moins dix mille livres en bon argent, et tout cela pour toi, petit, sauf à me faire enterrer chrétiennement et à payer quelques messes pour le repos de mon âme.


— Je suis bien touché de vos propositions, M. Lalure, répondit enfin l’enfant dont la résolution n’avait pas fléchi ; vous êtes bien bon et bien honnête : je vous conserverai une éternelle reconnaissance, mais je veux être un savant, et pas autre chose. Tant que je serai avec vous, je vous rendrai de grand cœur tous les services qui sont en mon pouvoir, je vous aiderai à vendre vos livres et je serai votre dévoué serviteur, jusqu’à ce que nous soyons en Lorraine, où M. le curé de Monglas m’attend à l’ermitage