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une bonne action de rabelais

vous du dicton : « Le plus méchant loup, c’est un homme. »

Ce proverbe populaire donna sujet de rire aux femmes de Vélisy, qui avaient entendu parler de la gaîté du curé de Meudon et qui se sentaient d’humeur à y répondre. Mais Rabelais n’avait pas le temps de faire une plus longue station sur la route du château.

— Or çà, mes filles ! leur dit-il, ne vous attardez pas trop au marché, car on y trouve plus de loups que dans les bois.

Les paysannes rirent de plus belle à cette plaisanterie, qui couvrait un bon conseil de prudence et de morale ; puis, avant de s’éloigner, elles prièrent le curé de leur donner sa bénédiction : il la leur donna de bon cœur et paternellement.

— Nous faisons des vœux, dit une de ces femmes, pour que votre sainte bénédiction, monsieur le curé, s’étende jusqu’à ce scélérat de juif ou de bohémien, qui est venu avec ses louveteaux se loger dans nos bois, à seule fin de nous porter malheur.

— Je ne sais si c’est un bohémien ou un juif, reprit sévèrement Rabelais, mais à coup sûr ce n’est pas un scélérat : c’est un pauvre homme qui mérite qu’on le plaigne, et qu’on lui vienne en aide, parce qu’il est malheureux.

Rabelais s’éloigna, en laissant les paysannes un peu confuses de la leçon qu’il leur avait donnée et qui leur rappela que le curé de Meudon passait dans le pays pour un partisan déguisé de la Réforme calviniste.

L’Angélus était sonné à l’église du village, quand le curé revint du château où il avait passé toute la journée