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regardait d’un œil d’envie le pain et le fromage sur la table. Mais j’ai bien faim !


— Que ne le disais-tu plus tôt ? s’écria le gros homme : tu aurais déjà le ventre plein. Allons, assieds-toi là, et mange, et bois ! ajouta-t-il, en lui versant un grand verre de vin. Il a vraiment faim, le pauvre diable ! répétait-il, en voyant que l’enfant ne s’était pas fait prier pour faire honneur à cette collation inattendue. Dépêche-toi de tordre et d’avaler, mon petit affamé, et souhaitons le bonsoir à la compagnie.


Valentin n’avait pas eu le temps de satisfaire son appétit, mais son compagnon de voyage lui permit d’emporter ce qui restait de pain et de fromage, en l’invitant à boire un second verre de vin. L’enfant, qui n’en avait pas bu une goutte, depuis son souper chez le curé de Monglas, eut l’esprit plus éveillé que troublé, en finissant à la hâte le bon repas qu’on lui avait fait faire. Il avait encore la bouche pleine, en montant dans la voiture du colporteur, et il continuait à dévorer son pain et son fromage.


— Et tout cela, ce sont des livres ? demanda-t-il au colporteur, quand il fut assis au milieu des ballots soigneusement ficelés. Quel plaisir on aurait à lire tout cela ! Et comme on serait savant, après avoir lu tant de livres !


Il était en humeur de parler et il parla autant que le voulut son compagnon de route, qui lui avait demandé le récit de ses aventures et qui en apprit les détails avec intérêt, car ce compagnon de route, le père Lalure, colporteur de livres imprimés à Troyes et à Nancy, d’images en couleur fabriquées à Épinal, et d’ouvrages de piété vendus dans les couvents, était un excellent homme,