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le ramena, presque étouffé, au bord de la rivière. Valentin avait reconnu son ancien maître, le redoutable fermier, et celui-ci, qui avait repris pied dans l’eau, la corde au cou, reconnaissait aussi son petit gardeur de dindons.



Valentin lança si adroitement la corde au milieu de la rivière, que le nœud coulant saisit par le cou le malheureux qui se noyait.


— C’est donc toi qui veux m’étrangler, mauvais sujet ? lui cria-t-il d’une voix haletante.


— Moi, vous étrangler, Monsieur ! répondit Valentin, stupéfait d’une pareille accusation : moi, vouloir vous faire du mal, lorsque sans mon assistance vous alliez périr !


— Je te conseille, petit fourbe, de me donner le change ! murmurait le fermier qui n’était pas encore sorti de l’eau, mais qui ne courait plus aucun danger. Tu as voulu m’assassiner, pour m’empêcher de te punir, comme un voleur que tu es !


— Moi, un voleur ! repartit Valentin, avec indignation : moi qui viens de vous sauver la vie !


— Attends-moi, friponneau ! s’écria le fermier, dont la colère n’avait fait que s’accroître. Je vais te payer ma vieille dette, voleur de dindons, et je me servirai, pour ton châtiment, de la corde avec laquelle tu as essayé de m’étrangler, après avoir effrayé mon cheval, qui m’a fait tomber dans l’eau. C’est moi qui te pendrai, au premier arbre de la route.


Valentin eut une telle peur de cette menace, qu’il ramassa son bâton et s’enfuit à toutes jambes, sans regarder derrière lui. Il courut ainsi, le long de la route, pendant un quart d’heure, et ne ralentit sa course qu’en perdant haleine. Le fermier n’avait pas songé à le poursuivre et s’en était retourné, pour se sécher, à la ferme.