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— Je n’en avais compté que dix-sept, sur la carte que je sais par cœur, dit l’enfant. Ce n’est rien que vingt lieues à faire : j’arriverai donc à Langres, en moins de deux jours de marche…


— Oui, bien, reprit le berger, mais, pendant ces deux jours, il faut manger et se reposer, et tu n’as pas un sou vaillant.


— Oh ! dit Valentin, on trouve du pain partout, et l’on couche dans les granges. Ce n’est pas ce qui m’inquiète.


— Tiens, voici deux écus, qui pourront payer tes frais de route, objecta le bon berger, car on ne se nourrit pas gratis en ce monde, et les bourses ne s’ouvrent pas plus aisément que les cœurs. Il serait plus sage peut-être de retourner à la ferme et de dire à ton maître : « Le renard a pris deux de vos dindons, mais je viens vous offrir en échange deux écus qui les valent… »


— Il m’accuserait d’avoir vendu ses bêtes, interrompit Valentin, et de ne lui rendre que la moitié du prix de la vente. Il recevrait l’argent, et me battrait, par-dessus le marché. Nenni, je ne veux pas m’y risquer. Aussi bien, j’ai foi dans la Providence qui n’abandonne pas les gens, quand on se recommande à elle. Priez pour moi, mon digne ami, et moi, je prierai pour vous, de loin ou de près.


Valentin exécuta donc son projet tel qu’il l’avait conçu : il partit, dès l’aube, après avoir fait ses adieux au vieux berger, en le conjurant de présenter au fermier des excuses de sa part, avec la promesse de restituer tôt ou tard la valeur des deux dindons que le renard lui avait pris. Il n’emporta que sa corne, qui pouvait lui être utile, et une longue corde, qu’il tortillait en guise de ceinture