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bontés et s’engagea très sérieusement à venir le rejoindre en Lorraine.


Valentin entra aussitôt en fonctions dans la ferme : on mit sous sa garde une vingtaine de dindons, qu’il devait conduire tous les jours dans les pâtures et qu’il ramènerait tous les soirs à la ferme. On lui donna, pour sa nourriture de la journée, deux livres de pain et un morceau de fromage, en lui disant qu’il aurait de quoi boire dans les ruisseaux, ainsi que ses dindons ; on lui remit, pour sa défense contre les renards et aussi pour celle de ses bêtes, une petite houlette armée d’un fer tranchant, avec une corne ou cornet rustique, dont il se servirait pour appeler à son aide, s’il avait besoin d’avertir les domestiques de la ferme.


Il avait serré soigneusement sous ses habits délabrés le Catéchisme et la carte de géographie, que le bon curé lui avait donnés en partant, et il était impatient de s’en servir souvent pour son instruction élémentaire, car il se sentait capable d’apprendre à lire, en peu de temps, au moyen des notions premières qu’il avait acquises dans ses deux leçons. Quant à la géographie, c’était une science dont il avait toujours eu l’instinct et qui semblait s’offrir d’elle-même aux préférences et aux habitudes de son esprit. La condition infime et subalterne qu’il avait acceptée sans répugnance lui offrait les deux biens du monde qu’il appréciait le mieux : la liberté et le repos. Il se félicitait de pouvoir vivre seul, au milieu des champs, en gardant les dindons, sans avoir besoin de se trouver en contact avec les hommes.


Ce fut donc dans la solitude, en face des charmants