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une incroyable perspicacité, ce qu’il se souvenait d’avoir appris la veille dans le bréviaire.


Le curé de Monglas ne pouvait ajourner son départ, mais il le retarda de quelques heures, pour donner encore une leçon à Valentin et pour le conduire chez un gros fermier voisin, qu’il pria de recueillir et d’employer dans sa ferme cet enfant, qui ne demandait qu’à gagner son pain de chaque jour.


Ce fermier était un avare égoïste et brutal, qui ne prenait conseil que de son intérêt personnel et qui n’aurait pas donné un liard à un pauvre, si ce liard ne lui eût pas rapporté un sou : il fit mine pourtant d’avoir égard à la recommandation pressante du curé, et il consentit à promettre la nourriture et le gîte à cet enfant, qui serait chargé de conduire les dindons aux champs et de les garder du matin au soir. Le curé n’en demanda pas davantage, et comme il était bon et charitable, il pensa que le fermier le serait aussi à l’égard d’un orphelin, qu’on lui confiait en le priant d’en avoir soin.


Valentin aurait voulu que le curé lui laissât un livre, pour y étudier ses leçons, mais le curé n’avait que son bréviaire ; cependant il trouva, dans un coin, un Catéchisme, à moitié déchiré, que son enfant de chœur y avait oublié, et il le donna, faute de mieux, à Valentin, qui le reçut avec reconnaissance ; il lui donna, en outre, quelque argent, et, comme il lui rappelait, en montrant une vieille carte de géographie clouée au mur, que le but de son voyage était l’ermitage de Sainte-Anne, près de Lunéville, où il comptait finir ses jours, l’enfant lui dit, avec attendrissement, qu’il se promettait bien de l’y rejoindre,