Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/351

Cette page n’a pas encore été corrigée

gagner sa vie avec le travail de ses mains et il aurait rougi de rester à la charge de sa mère, qui pouvait à peine se suffire à elle-même.


— Mère, lui dit-il avec l’énergie d’une résolution bien arrêtée, j’irai demain trouver M. le Curé de Monglas, qui m’a toujours fait accueil, lorsqu’il m’a rencontré dans les champs. Je lui demanderai de me prendre chez lui comme enfant de chœur ou plutôt comme aide de sa gouvernante, qui est bien vieille et qui n’a quasi plus la force de faire son ménage. Ce ne sera pas pour moi grosse besogne, mais j’y aurai mon profit, puisque M. le Curé me montrera sans doute à lire et à écrire, en m’enseignant mes devoirs religieux. Quant à toi, mère, je te conseille, je te prie d’aller te mettre au service des bonnes sœurs Ursulines ou Visitandines, soit à Tonnerre, soit à Auxerre, soit à Troyes. Là, tu trouveras le bien-être et le repos dont tu as besoin, en attendant que je t’aie fait une petite fortune, que je viendrai partager avec toi.


La mère du petit Valentin fut touchée jusqu’aux larmes du dévouement filial que cet enfant lui témoignait avec tant de noblesse et de simplicité ; elle ne voulait pas lui permettre de la quitter, mais il ne fit que se fortifier dans la décision qu’il avait prise, après mûr examen de la situation : il embrassa, le lendemain, la pauvre femme, qui avait pleuré toute la nuit, et lui promit de la tenir au courant de tout ce qu’il ferait pour arriver à une position lucrative et honorable. Il avait trois lieues à faire à pied, à travers champs, pour aller au village de Monglas ; il mit dans sa poche une miche de pain, des noix et des pommes ; puis il partit tout courant, sans