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chacun ici-bas son lot et sa tâche. Valentin ne fera point un laboureur, ni un vigneron : il n’a ni nerf ni poigne ; tout ce qu’il a de vaillant, c’est dans sa tête. Il semble bâti, m’est avis, pour faire un curé.


Valentin, en effet, avait eu de bonne heure l’intelligence ouverte et disposée à recevoir toutes les impressions extérieures qui font la connaissance des choses et qui se complètent par la réflexion et le raisonnement. Il ne savait ni lire ni écrire ; il n’avait rien appris de ce qui s’acquiert dans la fréquentation des personnes éclairées et instruites ; il n’était jamais sorti du milieu grossier et agreste dans lequel il se trouvait confiné par la condition misérable de ses parents, et il arriva ainsi jusqu’à l’âge de sept ans, sans avoir même appris le catéchisme, car le hameau où il était né n’avait pas de curé ni d’église : il fallait aller à trois lieues de distance, pour trouver l’un et l’autre.


Le petit Valentin était pourtant très avancé pour son âge, au point de vue des notions pratiques et usuelles en fait d’agriculture et d’économie rurale : il avait recueilli autour de lui les observations et les renseignements que les gens de la campagne pouvaient lui communiquer, et rien ne s’était perdu, pour ainsi dire, de ce qui lui était entré dans l’esprit par les yeux et par les oreilles. Malheureusement personne autour de lui n’eût été capable de lui apprendre à lire, et il avait honte de ne pas même connaître son alphabet, en dépit de l’espèce d’instruction expérimentale qu’il s’était donnée lui-même.


Il avait huit ans, quand son père, en mourant, le laissa dans une profonde misère ; il n’était pas en état de