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une bonne action de rabelais

ou consoler les affligés, il n’était pas autrement vêtu qu’en bon paysan, avec des grosses bottes qu’on nommait des houseaux, une casaque de bure usée et des grègues ou caleçon flottant, un large chapeau de feutre gris à grands bords rabattus, et, en temps de pluie, une galvardine ou manteau court par-dessus ses vêtements.

— Or çà, mes enfants ! dit Rabelais aux paysannes qui s’étaient arrêtées respectueusement à vingt pas de lui, pour le laisser passer, sans le déranger de son chemin, Dieu vous garde, mes chères sœurs en Jésus-Christ !

— Monsieur le curé, répondit une des plus vieilles au nom de ses compagnes, nous prions Dieu qu’il vous accorde bonne vie et longue !

— Or çà, reprit gaîment le curé, vous n’avez pas besoin de moi ce matin, puisque vous n’allez point à l’église, m’est avis, et vous me semblez de trop belle humeur, pour penser à venir au confessionnal ? Donc je vous avertis que j’ai fait dire la messe, par mon vicaire, de meilleure heure, et que je m’en vais de ce pas chez monseigneur le duc de Guise, qui m’a envoyé chercher, avant l’aube, pour assister un de ses vieux serviteurs au lit de mort.

— Nous l’aiderons de nos prières à entrer en paradis ! répliquèrent plusieurs villageoises en se signant.

— D’où venez-vous, bonnes femmes ? leur demanda familièrement Rabelais. Êtes-vous contentes de vos maris, de vos enfants, de vos vaches et de vos volailles ?

— Grand merci, messire ! repartit la plus délurée de la compagnie. Nous venons de Vélisy, à travers bois, et nous apportons, au marché de Meudon, du lait, des