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bonnet d’airain. La lanterne, qui avait roulé à terre sans s’éteindre, éclairait de bizarres reflets cette scène burlesque et fantastique. Le père Griffon se persuada qu’il était au pouvoir du Moine-bourru, et redoubla ses hurlements, que couvrait le son de la cloche.



Crébillon renverse le père Griffon, et sautant par-dessus lui, balance la cloche à ses oreilles.


Crébillon jouissait de l’effroi du malheureux ivrogne, à ce point qu’il oubliait de faire une prudente retraite, avant que tout le collège fût éveillé par les sons de cloche et les cris lamentables, qui retentissaient au fond des caves ; il ne cessait de tinter, comme pour un mort, et chaque fois que le battant frappait en cadence les parois métalliques de la cloche, il piétinait le corps de son ennemi étendu à terre sans force et sans mouvement ; mais, pendant qu’il s’enivrait de cette douce vengeance, de même que le pauvre Griffon s’était enivré de vin vieux, il sentit s’imprimer, sur ses épaules presque nues, la meurtrissure d’un coup de fouet, qui lui arracha une exclamation de douleur et de surprise : il arrêta sa sonnerie, pour voir d’où lui venaient les coups qui lui labouraient le dos et les reins, et il aperçut la robe du Père Frémion, lequel n’avait pas trouvé de langage plus expressif que son fouet à lanières, pour exorciser le Moine-bourru, qu’il n’eut pas le temps de reconnaître pour un être humain assez peu redoutable ; aussi, ne resta-t-il pas bien convaincu que son terrible fouet avait frappé sur de la chair vive, quand Crébillon eut écrasé la lanterne avec son pied et se fut enfui, à tâtons, avec la cloche qui murmurait entre ses mains, jusqu’au dortoir, où il se fourra dans son lit, tout tremblant de froid et d’anxiété, sans se dessaisir de cette