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révélation du bronze sonore, chercha en vain, dans tous les coins du quartier, dans les pupitres et sous les bancs, la cloche invisible qu’on entendait encore frémir sourdement.


Ces sons de cloche se répétèrent plusieurs fois par jour, grâce à l’ingénieux artifice de la ficelle, que Crébillon s’était réservé de tirer seul à sa convenance, en temps utile. Les Pères jésuites et leurs domestiques se lassèrent bientôt de rechercher l’endroit d’où partaient ces sons de cloche, grossis et dénaturés par l’écho de la cheminée. À chaque vibration de la cloche, le principal tressaillait de colère et adressait des vœux au Ciel pour découvrir le démon qui présidait à cette sonnerie mystérieuse ; les deux sonneurs, les bras croisés, s’indignaient contre la malicieuse audace du Moine-bourru ; les écoliers se divertissaient de cette comédie tintinnabulante, ainsi qu’ils l’appelaient en riant aux éclats, comme s’ils n’eussent pas dû payer l’amende. Le lendemain arriva, le délai fatal était expiré, et il ne se trouva pas, dans tout le collège, un délateur : jeûnes, arrêts, pensums, de commencer.


Le proviseur ne fut pas moins persévérant que les petits révoltés, qui supportaient la punition générale avec un entêtement unanime ; le supplice perpétuel de leurs régents, que la cloche narguait sans cesse, suffisait à leur plaisir et à leur vengeance. La règle quotidienne du collège semblait interrompue : les repas, les classes, le lever et le coucher n’étaient plus indiqués que par ordre verbal, puisque la cloche faisait défaut ; quant aux récréations, elles avaient complètement cessé, et il fallait, du