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car c’était une procession de rires et de sarcasmes, qui pourtant ne lui inspirèrent pas le soupçon qu’il eût été la victime d’un tour d’écolier. Crébillon, composant son visage avec une expression de fatalité tragique, avait l’air de compatir à sa juste frayeur.


— Eh bien ! mon révérend Père, lui dit-il d’un ton lugubre, si le Moine-bourru recommence ses courses nocturnes dans le collège, c’est présage de malheur, et le diable emportera la cloche avec vous. Digne Père Frémion, le Moine vous a-t-il bien rossé ? Heureusement que les indulgences, que vous gagnez chaque jour, en nous donnant le fouet le plus consciencieusement du monde, vous consoleront en paradis. N’avez-vous pas prononcé un bel exorcisme ? Oh ! que j’eusse voulu être là pour venir en aide au Moine-bourru !


Le Père Frémion, à voir l’air compatissant de Crébillon, eut la bonhomie de croire que le malin garçon s’intéressait à lui et ajoutait foi à l’apparition du Moine-bourru ; il lui sut gré, au fond, de cette apparente bienveillance, et il se promit tout bas, de le ménager, la première fois que Crébillon mériterait la correction favorite des jésuites ; ensuite le bon Père, faute de pouvoir s’exprimer avec la parole, essaya de reproduire, par la pantomime la plus expressive, tout ce qu’il avait éprouvé de souffrances morales et physiques, sous la possession du Moine-bourru. Crébillon, qui avait envie de lui rire au nez, eut beaucoup à faire pour continuer son rôle d’auditeur bénévole, et pour garder son sérieux, qui lui échappait, au souvenir de ce Moine-bourru qui n’était autre qu’un nœud coulant dans les mains d’un écolier.