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coulant ; mais, à ses gestes effarés et à sa physionomie contractée, on ne put que former des conjectures défavorables sur l’état de son cerveau, troublé de vin ou de folie ; il eut beau analyser, par écrit, ses impressions et ses sensations, pendant qu’il sonnait la cloche à tour de bras, assurait-il, et prêter à son effroi une cause réelle qu’il essayait de peindre avec des gestes et des grimaces horribles, le principal s’irrita davantage d’une crédulité qu’il ne partageait pas, et le punit de sa négligente en lui ordonnant de passer, chaque nuit, trois heures en prières : c’était ne pas ménager les terreurs superstitieuses du pauvre homme.


Toutefois, les élèves profitèrent de ce retard et de ce désordre pour donner une heure de plus au sommeil et une heure de moins au travail. Pendant qu’ils s’habillaient avec une lenteur que la cloche n’avait pas encore activée, Crébillon eut le temps de leur conter en détail l’aventure plaisante du Père Frémion, qui n’était pas remis de sa peur, et ceux-ci, en passant devant lui, se détournaient pour rire, quand ils voyaient les yeux égarés et le teint blême du sonneur muet, qu’ils saluaient de condoléances ironiques et facétieuses.


— Comment se porte le Moine-bourru ? lui disaient-ils, en riant. Il paraît que cet honnête moine ne veut pas qu’on l’éveille si matin ; donc, prenez garde à vous, Père Frémion : un jour, il vous pendra au bout de votre corde, et vous sonnerez vous-même le glas de vos funérailles. Notre Père, délivrez-nous de votre sonnerie ! Ainsi-soit-il.


Le Père Frémion ne savait sur quelle face moqueuse faire tomber, en grêle de soufflets, l’orage de sa colère,