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dans le peuple. Il paraît qu’à l’époque de l’expulsion des jésuites par Henri IV, après l’attentat d’un de leurs élèves, nommé Jean Châtel, contre ce prince, la Compagnie de Jésus, dont les doctrines théologiques venaient d’être condamnées au Parlement comme dangereuses pour la vie des rois et pour la sûreté des États, fut, en quelque sorte, personnifiée par cette dénomination allégorique de Moine-bourru, à laquelle se rattachait le souvenir du parricide commis sur un roi cher à ses sujets. Le Moine-bourru devint dès lors un fantôme malfaisant, qui était censé parcourir les rues de Paris, pendant la nuit, surtout en hiver, et le collège de Louis-le-Grand, qui ne portait encore à cette époque que le nom de collège de Clermont, à cause de son fondateur Guillaume Duprat, évêque de Clermont en Auvergne, passa naturellement pour la retraite de ce méchant moine, qui assommait de coups les gens qu’il rencontrait éveillés dans ses rondes nocturnes.


La terreur que ce personnage imaginaire causait aux habitants de Paris s’était tellement accréditée dans les esprits et si bien enracinée au collège de Louis-le-Grand, que les jésuites eux-mêmes n’en étaient pas tous exempts. Le Père Griffon et le Père Frémion contribuaient aussi à la perpétuer, dans les traditions du collège, par des récits ridicules qu’ils faisaient aux élèves, de la meilleure foi du monde. Quand ceux-ci, aux heures de récréation, interrogeaient les deux vieux correcteurs sur l’histoire redoutable du Moine-bourru et parvenaient à les mettre sur ce chapitre inépuisable, le Père Griffon narrait avec émotion les faits et gestes de cette espèce de démon, et