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en propos factieux. Crébillon maudissait énergiquement l’horrible tyrannie qu’il y avait à mettre sur pied de pauvres enfants, avant l’aube, par la froide température de décembre ; ses auditeurs opinèrent tous du bonnet, mais n’opposèrent que des lamentations timides et passives aux projets de révolte que le jeune dramaturge essayait de fomenter ; tant, à cette époque, sous l’empire absolu de la Compagnie de Jésus, l’enfance était soumise à la règle du collège et craintive devant la rigueur du châtiment.


— Mes amis, disait Crébillon avec ce généreux dévouement qui exalte les plus timides, c’est trop longtemps souffrir que les Pères Griffon et Frémion, ces suppôts du diable, qui ont l’âme plus noire que leur robe, nous oppriment jusque dans notre sommeil, pour tyranniser les élèves les plus studieux, que leurs brutalités ne peuvent atteindre. Cependant il ne nous faudrait qu’un peu d’adresse pour venir à bout d’un sourd et d’un muet. Je ne demande pas qu’on me seconde, mais qu’on me promette seulement le secret, quoi qu’il arrive, dans ce que j’ai résolu de faire.


— Ah ! qu’as-tu résolu, Prosper ? interrompirent en chœur les assistants, qui reconnaissaient tous chez Crébillon une supériorité d’esprit et de finesse. Dis-nous cela vite. Vraiment, nous te promettons de subir la retenue, les arrêts et le fouet, comme des Spartiates, pourvu que le tour en vaille la peine, et malheur à celui d’entre nous, qui, comme un cafard, s’en irait rapporter aux Pères !…


— Je sais que vous êtes de braves garçons, reprit Crébillon