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de poète, qui le captivait, au moment de l’inspiration, et qui révélait d’avance les allures capricieuses de son génie ; rien n’avait le pouvoir de dompter cette humeur fantasque, souvent en guerre ouverte avec les règles du collège et l’autorité des maîtres. Ses dispositions à la mollesse fainéante se montraient surtout au dortoir, ou il était toujours le premier et le dernier au lit. Quand une fantaisie de repos ou de pensée l’enchaînait, le matin, sur son oreiller, le bourdon de Notre-Dame n’eût pas sonné assez fort pour l’éveiller, et il ne se serait pas levé plus vite si le feu avait pris à la maison ; les punitions, le jeûne, le fouet et le cachot échouèrent contre son invincible entêtement. La cloche, qui forçait les écoliers à sortir de leurs draps avant le jour, n’avait pas de plus implacable ennemi que notre poète en herbe, qui faisait semblant de ne jamais l’entendre.


Cette obstination invincible, qui peut avoir quelquefois de graves et sérieuses conséquences dans la vie de l’homme, est, d’ordinaire, intolérable chez les enfants, car elle encourage à l’effronterie et à l’orgueil. Crébillon, néanmoins, n’était pas détesté des jésuites, ses instituteurs. Les Pères jésuites avaient le talent de deviner, d’apprécier la valeur intellectuelle et morale de leurs élèves ; ils n’épargnaient aucun moyen de séduction pour enrôler les plus distingués dans leur Société, que protégeaient alors la haute capacité et le mérite éclatant de ses membres. Crébillon avait donc fixé les yeux de ces savants professeurs, par la facilité de son travail, la richesse de sa mémoire et les ressources de son intelligence ; il était devenu, presque sans y penser, le plus