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— Que de retards ! que de résistances ! disait le roi à Madame : cet homme est bien osé de désobéir à mes ordres ? Çà, qu’on brise sa machine à coups de marteau ! Je veux voir ce qu’il y a là-dedans.


Raisin ne se le fit pas dire une seconde fois ; il alla ouvrir lui-même le compartiment, dans lequel son fils était renfermé, et il l’en tira évanoui, sans haleine et sans mouvement. Une rumeur immense d’inquiétude et d’indignation s’éleva de toutes parts. Mais le musicien eut recours aux moyens qu’il avait déjà employés souvent, pour combattre un commencement d’asphyxie : il secoua l’enfant, lui souffla dans la bouche, lui frotta les tempes et lui humecta les paupières avec de la salive. L’intérêt palpitant de cette scène inattendue tenait en émotion tous ceux qui en étaient témoins ; les femmes poussaient des exclamations, aussitôt réprimées ; quelques-unes étaient sur le point de perdre le sentiment.


Enfin, l’enfant avait rouvert les yeux, et il portait autour de lui un regard indécis ; il se ranima rapidement et parvint à se mouvoir, en retrouvant la conscience de lui-même, lorsque son père lui ordonna de s’agenouiller et d’implorer le pardon du roi ; mais cet enfant était incapable de prononcer une parole.


— Sire, dit Raisin, qui reprit l’assurance et la hardiesse d’un ancien comédien, j’expose respectueusement aux regards de cette illustre assemblée le secret de l’orgue magique, ce secret qui était l’unique ressource de ma pauvre famille. Cet enfant est mon fils, âgé de six ans à peine et déjà fort bon musicien ; s’il n’était pas si jeune, je demanderais à Votre Majesté de vouloir bien l’attacher à