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et il attendait, avec anxiété, que l’orgue se mît à exécuter son solo magique ; car il n’était sorti de l’orgue qu’un soupir qui ressemblait à un gémissement.


— Madame ! dit Mademoiselle de Sévigné, en se penchant à l’oreille de la duchesse d’Orléans, Madame ! Il y a là-dedans un enfant qui se meurt !


La princesse avait compris, avait deviné ; elle se pencha, à son tour, à l’oreille du roi, et lui fit remarquer la contenance effarée du musicien, qui, pâle, les yeux hagards, s’était approché de son instrument et avait l’air de s’y attacher avec les mains pour se soutenir et ne pas tomber sans connaissance.


Soudain, une voix stridente se fit jour à travers l’entrebâillement d’une porte fermée, et retentit dans le salon, où l’émotion apparente du musicien avait gagné de proche en proche tous les spectateurs.


— Jacques ! disait cette voix lamentable : le petit se meurt, le petit va mourir étouffé ! Ouvre, ouvre ta machine ! Jacques, pour l’amour de Dieu, sauve notre enfant !


Louis XIV avait donné un ordre, et deux pages de la chambre étaient déjà en conférence avec Raisin, qu’ils sommaient, au nom du roi, de mettre à découvert le secret de l’orgue magique. Le musicien essayait de résister et demandait avec instances qu’on se contentât de transporter dans une autre salle le coffre qui contenait son jeu d’orgue ; il suppliait à mains jointes, il invoquait son privilège, ses droits d’inventeur mécanicien et organiste.


— Ô mon Dieu ! disait Mademoiselle de Sévigné, qui connaissait seule le secret de l’orgue magique : ce mauvais père laissera périr son enfant !