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la marquise de Sévigné ; vous ferez bien de vous rapprocher d’elle et de vous guider souvent d’après ses avis.


Bussy s’inclina profondément et alla occuper un siège qu’on avait laissé vide à côté du marquis de Sévigné. Le roi donna l’ordre de commencer le concert. Le musicien, dont l’émotion s’augmentait à chaque instant, ouvrit d’une main tremblante le clavier de l’orgue magique, et il n’était plus visible de personne, lorsqu’il se fut assis devant cet orgue, qui le couvrait entièrement.


Mais mademoiselle de Sévigné l’avait vu, l’avait reconnu, et sa mémoire lui rappelait alors tout ce dont elle avait été le témoin involontaire dans une chambre des Communs du palais, où elle était restée assez longtemps évanouie. L’effroi et l’aversion que lui avait inspirés ce musicien ivrogne et brutal, qui maltraitait son fils, en l’accablant d’injures et de menaces, se ravivèrent tout à coup dans l’esprit de cette jeune personne, que tenaient émue et oppressée les souvenirs confus de sa bizarre aventure. Elle ne se rendait pas bien compte de ce qui s’était passé pendant son séjour accidentel au milieu de cette famille de bohémiens, qui n’avaient eu pour elle que des égards respectueux et attentifs ; mais elle se rappelait que le coffre, contenant l’orgue magique renfermait aussi un être vivant, un pauvre enfant malade, une victime qui souffrait peut-être cruellement à cette heure-là même, et qui devait souffrir ainsi en silence jusqu’à ce qu’on lui eût permis de remuer, d’étendre ses membres comprimés et de respirer à l’air libre.


Les sons de l’orgue, que Raisin touchait admirablement,