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qu’elle puisse être, elle ne le sera jamais autant que vous.


— Adieu, flatteur ! lui dit Madame de Sévigné. Vous me faites oublier que mes enfants sont restés dans mon carrosse, où ils m’attendent depuis tantôt une heure, en s’inquiétant de l’approche de la nuit. Adieu, Roger ! Je m’en vais me rendre chez M. le comte de Saint-Aignan, où nous aurons bel à faire pour vous tirer de ce mauvais pas. Faites en sorte, mon ami, que je vous retrouve moins extravagant, lorsque je reviendrai vous apporter vos lettres de grâce.


— Cousine, cousine, la plus précieuse lettre de grâce sera celle que vous m’écrirez de votre plus fine plume et de votre meilleure encre, vous qui savez écrire de plus belles lettres que Balzac et Chapelain !


La marquise de Sévigné fut ramenée à son carrosse, par le gentilhomme qui l’avait attendue et qui lui fit escorte respectueusement jusque-là. Mais quelle fut l’émotion, quelle fut l’inquiétude de cette tendre mère, lorsqu’elle apprit, de la bouche du cocher et du laquais, que son fils avait sauté à bas de la voiture pour chercher querelle à une espèce de comédien et qu’il avait été emmené par un officier du palais ! Quant à mademoiselle de Sévigné, qui n’avait pas reparu, depuis qu’elle était descendue aussi de voiture, on supposait qu’elle avait eu l’intention d’aller rejoindre sa mère.


Ces renseignements vagues et insuffisants ne firent qu’accroître les angoisses de la marquise, qui, sachant, par expérience, à quels excès de violence pouvait se porter son fils, s’imagina que ce jeune présomptueux était capable d’avoir provoqué ou accepté un duel avec un adversaire