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le jeu, la table, les plaisirs les plus bruyants et les plus fougueux faisaient l’occupation ordinaire de ses journées et de ses nuits. Il vivait pourtant à la cour, bien qu’il y fût presque constamment en disgrâce, et le roi lui-même le craignait, comme le craignaient les courtisans : on lui attribuait tous les bons mots, toutes les épigrammes, toutes les satires, qui couraient de bouche en bouche, parce qu’il était capable de faire les plus spirituelles et les plus mordantes. Suivant une boutade de Madame Henriette d’Angleterre, femme du duc d’Orléans, Bussy était « la plus dangereuse langue et la plus venimeuse qu’il y eût parmi les scorpions de Versailles et les vipères de Fontainebleau ».


— Je gagerais que vous avez encore mordu quelqu’un ou quelqu’une ? lui dit madame de Sévigné, qui ne lui pardonnait pas son défaut ordinaire de railler et de médire. Vous vous faites toujours de terribles affaires, mon cousin, et il en résultera, un jour ou l’autre, que les femmes vous crèveront les yeux et que les hommes vous couperont la langue.


— Je n’en suis pas encore là, Dieu merci, et certes il m’en coûterait trop d’être pour vous un objet d’horreur. Mais voici mon histoire, où je porte la peine de mes vieux péchés. Je vous atteste, ma cousine, que depuis dix jours je n’ai pas fait trois épigrammes. Au surplus, c’est une chanson qui a fait tout le mal, et je n’en suis pas l’auteur, par cette excellente raison, que cette chanson est sotte et plate. Je ne devrais donc pas avoir à m’en défendre. Mais la chanson s’adresse d’une manière très impertinente à Madame la duchesse d’Orléans, qui s’en est montrée