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Aignan a donné des ordres, pour que vous soyez admise d’urgence auprès de M. le comte de Bussy, et certainement avec l’approbation de Sa Majesté.


Madame de Sévigné fit un geste qui marquait son impatience de voir M. de Bussy, et elle suivit d’un pas plus pressé le gentilhomme qui devait être son introducteur dans la prison. Dès que son nom fut prononcé, les portes s’ouvrirent devant elle, et elle se trouva en présence de son cousin, qui vint à sa rencontre avec un joyeux empressement et qui s’autorisa de la politesse de cour pour lui baiser la main avec une amicale familiarité.



La marquise de Sévigné visite le comte de Bussy-Rabutin dans sa prison.


— Je vous demande pardon, chère cousine, lui dit-il galamment, de ne pas vous recevoir en un lieu plus digne de vous.


— En vérité, mon pauvre Roger, je ne m’attendais pas à venir visiter à Versailles un prisonnier d’État ! répondit-elle, avec une vive expression de sympathie et d’intérêt. Ô mon Dieu ! ajouta-t-elle, émue du bruit des verroux qu’on fermait derrière elle : est-ce à dire que je suis désormais emprisonnée avec vous, comme votre complice ? Que je sache du moins quel est le crime dont vous êtes accusé ?


— Je suis d’abord tout au plaisir de vous revoir, après une assez longue absence, bonne cousine, et de vous revoir plus belle que jamais…


— Êtes-vous toujours aussi léger et aussi fou, Roger ? interrompit en souriant madame de Sévigné. Songez, pour devenir un peu plus sérieux, que vous êtes en prison, accusé de quelque méchante action, et que vous me faites partager votre captivité, toute innocente que je sois