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comédien. Le fripon sait bien que tu ne voudrais pas qu’il se couchât sans souper ! N’est-il pas juste que nous commencions par souper nous-mêmes, nous qui avons le plus de peine et de travail ?


— L’enfant a faim, dit la vieille. Dépêche-toi de lui donner de l’air, mon cher Jacques, et permets-lui de manger et de boire tranquillement ce que je lui destine. Mais d’abord, crainte de surprise, fermons les portes, avant d’ouvrir la boîte.


La bohémienne s’assura que les portes de la chambre étaient fermées au verrou, pendant que le comédien enlevait d’abord le dessus du coffre et mettait à découvert un orgue portatif, sur les touches duquel il promena ses doigts, pour vérifier si l’instrument avait conservé son accord. Puis, oubliant qu’un malheureux prisonnier attendait impatiemment sa délivrance, il se mit à exécuter un grand morceau de musique sacrée, en faisant vibrer les cordes de l’instrument qui rendait un son aussi puissant que celui de l’orgue dans une église. Le son allait se prolongeant et se répercutant hors de la chambre, à faire croire aux personnes qui pouvaient l’entendre, qu’on célébrait quelque part une cérémonie religieuse. Ce n’était pourtant ni l’heure ni le lieu, pour cela.


— Jacques, nous ne sommes pas mandés à Versailles pour exécuter un stabat dans la chapelle du roi, dit la vieille, en posant sa main décharnée sur l’épaule de l’organiste, qui s’exaltait sous l’inspiration musicale. Il ne s’agit, pour ce soir, que de musique profane et divertissante.


Le musicien ne répondit pas, et changeant de thème, il