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demander une explication à ce grand garçon, qui avait aussi reconnu le carrosse couvert de boue et qui n’était plus disposé à soutenir une querelle, en plein château de Versailles, contre un jeune seigneur de la cour. Il voulait se dérober à cette rencontre délicate, mais Charles de Sévigné ne lui en donna pas le temps et le saisit rudement par le bras.


— Mordieu ! monsieur le comédien, lui dit-il, je vous retrouve à propos pour vous faire essuyer avec votre langue les jolies éclaboussures que vous avez faites sur mes armoiries et sur la livrée de mes gens.


— Mon prince ! répliqua le conducteur du haquet, interdit de cette brusque allocution et ne sachant à qui il avait affaire : je vous jure que l’accident dont vous vous plaignez est arrivé à mon insu, et je m’en lave les mains…


— Vous laverez d’abord mon carrosse, interrompit Sévigné, qui avait le caractère le plus querelleur et le plus obstiné. Prenez une brosse, s’il vous plaît, et venez nettoyer la livrée que vous avez si joliment accommodée ! Autrement, j’appelle mes gens et je leur ordonne de vous bâtonner de la belle manière !


— Bâtonner quelqu’un, dans le palais du roi ! cria une voix glapissante, qui força Sévigné à changer d’objet et d’adversaire. Bâtonner M. Raisin ! ajouta le petit homme, vêtu de satin noir, qui venait d’accourir, en secouant son sceptre à grelots. C’est là une audace extraordinaire.


— Si Monsieur était gentilhomme, répliqua Sévigné en désignant le comédien qui ne songeait qu’à s’esquiver, je lui aurais proposé de mesurer son épée avec la mienne et de me rendre raison de son insulte.



Vous laverez d’abord mon carrosse ! dit au comédien le marquis de Sévigné.