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de toutes les personnes qui avaient reçu des invitations de la part du roi. Charles de Sévigné causa d’abord de choses et d’autres avec sa sœur, qui n’était pas rassurée, en se voyant seule avec lui, en l’absence de leur mère, et qui jetait des regards furtifs par la portière. Elle aperçut avec inquiétude un homme qui semblait faire le guet derrière la voiture et qui ne la perdait pas de vue un moment. Elle examina timidement les allures de cette espèce d’espion, avant de le faire remarquer à son frère.


C’était un petit bout d’homme, gros et court, qui portait fièrement une tête énorme avec la figure la plus hétéroclite, et qui ne paraissait pas embarrassé de montrer une pareille figure : des yeux ronds de chat-huant, un long nez crochu comme un bec de vautour, une énorme bouche aux dents saillantes, le tout au milieu d’un masque grimaçant sous une peau jaunâtre et ridée. Ce monstre avait, d’ailleurs, une physionomie joviale et comique, qui n’était pas faite pour inspirer de la défiance ou de l’effroi, malgré la difformité des traits de son visage. Il était assez bien pris dans sa taille et ne manquait pas, dans son port, d’une certaine distinction, qui provenait surtout de l’assurance que lui donnait sa position personnelle, sinon son rang, à la cour.


Le costume de ce singulier personnage n’annonçait pas cependant un courtisan. Il était vêtu à l’espagnole : casaque longue à manches bouffantes et chausses également bouffantes autour des reins, tout en satin noir, avec des crevés de satin rouge ; il portait une collerette tuyautée à quatre rangs et une large ceinture de cuir de