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que sa mère sortait de la voiture, ne tenez pas en mauvaise part le fâcheux état où vous voyez notre carrosse et la livrée de nos gens. C’est un malotru qui les a ainsi éclaboussés, sur la route, et je suis encore confus et dépité de n’avoir pas châtié son insolence. Si je connaissais son maître, ce maître-là paierait au double pour son valet.


— Ne vous échauffez pas pour si peu, Monsieur le marquis, repartit le gentilhomme : il suffira d’un coup de brosse, ou d’un coup d’éponge, pour remettre les choses en leur état présentable, et si nous retrouvons le malotru, je vous aiderai à le rosser d’importance.


Le jeune Sévigné rougit d’orgueil, en s’entendant qualifier de marquis par un homme qui, à en juger par le ton et par l’habit, devait appartenir à la maison militaire du roi ou d’un prince du sang. Il se redressa d’un air de suffisance et envoya un regard satisfait à sa sœur, qui s’était cachée dans ses coiffes.


La marquise de Sévigné, quoique richement et galamment habillée sous son costume de voyage, n’avait pas fait difficulté de descendre de voiture et d’accompagner à pied son guide inconnu, d’autant plus qu’elle était pourvue d’une double chaussure qui lui permettait de braver la marche dans de plus mauvais chemins. Elle donna des ordres à ses domestiques, en leur laissant la garde de ses enfants, et elle s’éloigna, en suivant le gentilhomme qui n’eût pas osé lui offrir le bras.


D’après ses instructions, le cocher conduisit le carrosse, en contournant les nouveaux bâtiments du château, dans une des cours de service, où devaient se rendre les voitures